Des dispositifs concrets et évolutifs : plongée dans les pratiques
Zones sécurisées et espaces de parole : repenser la protection par l’écoute
Dans de nombreux événements (Hors Contrôle, Nowhere, Fusion…), des espaces non-mixtes, des safe spaces et des tentes « listening » ont fleuri. Il ne s’agit pas simplement de lieux-refuges, mais de véritables bases arrière où dénouer des tensions, recueillir des récits d’agressions, et accompagner sans juger.
- À Nowhere, le plus grand rassemblement inspiré de Burning Man en Europe, un Sanctuary Team mixte veille 24/24h avec une approche d’écoute active et de premiers secours psychologiques.
- Au Boom Festival, un « Space for Transformation » tient un rôle clé : les responsables sont formé·es à la médiation et à la prévention des violences sexistes, avec un protocole inspiré des pratiques feministes autogérées.
Fruit de la pression militante (et au prix parfois de critiques sur la récupération institutionnelle de la notion de « safe space »), ces dispositifs s’inscrivent dans une dynamique évolutive : ils admettent leurs propres failles et cherchent, chaque année, à intégrer les retours d’expérience.
Des cellules d’accueil bénévoles, mais professionnelles
Dans nombre de festivals, la cellule « accueil violences », souvent féministe ou queer, inverse la logique répressive. Elle reçoit anonymement, propose soutien médical, psychologique, voire accompagnement juridique vers l’extérieur. Par exemple :
- Au Hadra Trance Festival (France), en 2022, plus de 30 signalements ont été recueillis, aboutissant dans deux cas à l’exclusion immédiate de l’agresseur présumé. Les coordinateur·ices collaborent avec des associations expertes comme le collectif Nous Toutes.
- Au Fusion Festival (Allemagne, 70 000 participant·es chaque année), 300 volontaires composent la « Awareness Crew », équipe visible et formée, capable de guider, désamorcer sans violence, et d’interpeller si nécessaire directement les organisateur·ices sans passer par la police (source : Fusion Festival).
Selon différentes études (dont le rapport Vice UK, 2023), la présence de telles équipes de terrain réduit significativement les incidents signalés, tout en encourageant une libération de la parole qui reste impensable dans d’autres contextes.
Prévention et responsabilité de chacun·e : la sécurité, une affaire d’éducation populaire
Rarement cantonnée à des professionnel·les, la gestion de la sécurité est vue comme un chantier commun. Quelques pratiques récurrentes :
- Distribution de guides anti-harcèlement à l’entrée, ateliers d’auto-défense, affichage massif de slogans et contacts en cas d’incident.
- Formations pour bénévoles, et parfois même participant·es, sur la désescalade, la gestion de crise, le consentement, la réduction des risques liés aux stupéfiants, etc.
- Incitation active à intervenir comme témoin (« bystander »), grâce à de la signalétique et des campagnes dans le festival. Au Shambala Festival (UK), par exemple, la campagne « Ask for Angela » est explicitement relayée.