Inventaire sensible des grands rendez-vous écologiques en France : la lutte en saisons

24/09/2025

Les grandes marches pour le climat : inventaire d’un souffle collectif

Depuis 2018, les marches pour le climat rythment les calendriers militants. Elles sont devenues des rituels de masse, rassemblant tour à tour jeunes, familles, syndicalistes, activistes chevronnés et nouveaux venus, drapeaux verts mêlés à des banderoles cinglantes.

  • Plus de 350 000 personnes étaient dans les rues lors de “la Marche du Siècle”, le 16 mars 2019 : le point d’orgue d’un printemps enfiévré, quand les collectifs climat, Gilets Jaunes et mouvements sociaux ont tenté une convergence (Le Monde, 2019).
  • Les mobilisations, désormais moins massives mais régulières (mars et septembre, en général), mettent la pression sur les gouvernants lors des moments-clés du calendrier politique – COP, votes de lois, campagnes électorales.
  • Ces marches sont souvent soutenues par un réseau tentaculaire : Youth For Climate, Alternatiba, Les Amis de la Terre, Attac, etc., partageant outils de mobilisation et ressources logistiques.

Certaines dates—le 25 mars de chaque année ou en septembre lors de la rentrée—sont devenues des balises. À Paris, Lyon, Rennes, Strasbourg, Marseille, et dans des dizaines de villes moyennes, la rue fait entendre la colère climatique et sème du lien.

Zones à Défendre (ZAD) et mobilisations sur le terrain : le temps long des résistances

À l’écart des projecteurs, d’autres batailles se nouent dans la durée. Les ZAD (Zones A Défendre) sont devenues un emblème de résistance écologique territoriale, bien au-delà de Notre-Dame-des-Landes. Ces luttes se moisissent dans la terre et la boue, mais c’est aussi là que s’incube l’imaginaire.

  • La ZAD de Notre-Dame-des-Landes, victorieuse en 2018 après plus de 40 ans de lutte contre l’aéroport, a ouvert la voie à d’autres occupations et cabanes bâties face aux projets destructeurs : voir la carte de Reporterre.
  • Saint-Soline et les mégabassines : en mars 2023, une mobilisation de plus de 25 000 personnes a provoqué un tournant, cristallisant tensions entre forces de l’ordre et opposant•es, autour des enjeux de l’eau et de l’agro-industrie (Le Monde, 2023).
  • Bure, où résistances à l'enfouissement des déchets nucléaires s’écrivent sur le temps long, entre procès et occupations.

Les ZAD, contrairement aux grands rassemblements urbains, se vivent au long cours, à la merci du rythme des saisons, des semailles et des moissons. Si certaines dates sont à surveiller (grande Marche des Luttes paysannes en avril, événements anti-bassines à l’automne ou au printemps), l’agenda se dessine aussi par les urgences et annonces des préfets.

Actions directes : désobéissance et créativité pour marquer l’opinion

Parfois, la lutte a le goût du risque. La désobéissance civile s’est peu à peu institutionnalisée dans l’ADN du mouvement écologiste. Loin de l’image romantique, elle exige précision politique, organisation et courage collectif.

  • Extinction Rebellion : blocages de ponts, marches sur les Champs-Elysées, occupations non-violentes au printemps ou à l’automne. En 2019, près de 2 000 activistes ont bloqué le centre de Paris pendant plusieurs jours (Franceinfo).
  • Dernière Rénovation : multiplication, depuis 2022, des actions spectaculaires (blocages de périphériques, jets de peinture) pour exiger la rénovation thermique des bâtiments. Plus d'une centaine de blocages revendiqués en 2023, malgré la répression accrue (Reporterre).
  • Les Soulèvements de la Terre : collectif ayant orchestré des actions massives contre les sites industriels, bétonneurs, bassines. Leur calendrier s’impulse selon la tactique (occupation, sabotage, happening artistique) ; en 2022-23, ils imposent leur tempo, rendant chaque “confrontation” à la fois symbole et rituel.

Ces actions peuvent surgir dans l’intervalle des “grands événements” mais participent à la densification du calendrier militant, rappelant que la surprise et l’inventivité sont des armes.

La convergence des luttes et la question sociale : une tresse d’alliances

Aux marges des mobilisations climat pures, les temps forts de l’écologie sociale tissent des alliances avec d’autres mouvements : syndicats de travailleurs, collectifs antiracistes, associations de sans-papiers, féministes, etc. Derrière chaque mobilisation sur la vie chère, la réforme des retraites ou les violences policières, l’écologie affleure.

  • Les Assises de l’Écologie Populaire (octobre, Paris : première édition en 2021), rassemblent habitantes de quartiers populaires, chercheurs, collectifs de régularisation, et prennent de l’ampleur.
  • Mobilisations lors des journées syndicales (1er mai, 8 mars), où les enjeux écologiques croisent la justice sociale (solidarité avec le monde paysan, droits des saisonniers, luttes contre la précarité énergétique).

Signe du temps, les slogans et la composition des cortèges se métissent, illustrant la volonté de ne pas laisser l’écologie aux seuls “milieux blancs urbains”.

Festivals et caravanes : carnavals politiques et laboratoires d’utopies concrètes

Les grands festivals écologiques sont bien davantage que des moments de “détente engagée” : ils fonctionnent comme des incubateurs d’idées, des espaces de formation, de stratégie et d’expérimentation. Ils fécondent les collectifs, tissent des complicités et arment les récits.

  • Alternatiba Tour, caravane cyclo-militante sillonnant la France tous les deux ans, ponctuée d’étapes conviviales et politiques. En 2018, le Tour a mobilisé près de 77 villes et villages en trois mois (Alternatiba).
  • Festival des Résistances et Alternatives à Toulouse (FRAT) : assemble musiques, ateliers d’auto-réparation, débats politiques, formations à la désobéissance.
  • Climax ou We Love Green : festivals mêlant concerts, conférences, expérimentations low tech et actes militants (accueil de comités Stop EACOP, Youth for Climate…).
  • Les Soulèvements de la Terre relèvent aussi du festival sur le plan de la convivialité et du foisonnement (cuisine collective, ateliers de premiers secours, etc.).

Ces rencontres s’installent majoritairement au printemps et à la fin de l’été, lors de ce que certains appellent la “haute saison” du militantisme : juin, juillet, septembre.

Les universités d’été et temps de formation : entre outils, débats stratégiques et transmission

Entre la moisson estivale d’actions et le reflux de l’automne, d’autres moments en creux structurent l’année militante : universités d’été, stages de formation, séminaires décentralisés. Ils alimentent la réflexion collective, forgent les outils d’auto-organisation, transmettent l’histoire des luttes écologiques.

  • Université d’été des mouvements sociaux et de la solidarité internationale : organisée tous les deux ans, elle fédère associations écologistes, ONG internationales et syndicats. En 2021 à Nantes, plus de 2 500 participant•es et près de 400 ateliers (Attac).
  • Formations climat d’Alternatiba, ANV-COP21, Amis de la Terre : techniques de communication, sécurité numérique, fonctionnement en collectif horizontal, pratiques de la non-violence.

Ce sont des temps d’élaboration calme, de transmission intergénérationnelle, où la colère s’affine et l’espoir s’organise.

Rendez-vous agricoles, luttes paysannes : quand la terre se politise

La lutte écologiste ne serait rien sans son pendant paysan. Confédération Paysanne, réseaux d’AMAP, ZAD rurales et collectifs paysans engagés nourrissent chaque année des moments de mobilisation intenses, en lien direct avec la survie des terres.

  • Fête de la Conf’, généralement autour du 17 avril – Journée internationale des luttes paysannes (La Via Campesina), rassemblements à la fois revendicatifs et festifs.
  • Manifestations pour la souveraineté alimentaire, contre les mégabassines, pour l’accès au foncier ou la défense des semences paysannes (voir Terre de Liens, Réseau Semences Paysannes).
  • Printemps maraîcher à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes : semis collectifs, assemblées, temps de rencontre avec les voisins.

L’agenda est ici dicté par celui des saisons agricoles – semis de printemps, récoltes d’automne, transhumances – qui vient croiser celui du militantisme traditionnel.

Quelques dates clés à repérer : le temps court des actions, le temps long des urgences

  • 17 avril : Journée internationale des luttes paysannes
  • 5 juin : Journée mondiale de l’environnement
  • Octobre : Marches pour la justice climatique, Assises de l’écologie populaire
  • Décembre : Mobilisations pour la COP (quand celle-ci a lieu)
  • Printemps / Automne : mobilisations mégabassines, grandes convergences inter-mouvements (Notre-Dame, Saint-Soline, etc.)
  • 1er mai, 8 mars, journées de mobilisation syndicale : forte présence des collectifs écolos sur place
  • Tout l’été : festivals, ateliers, camps d’été militants

Pluriel, mouvant, radical : vers un calendrier toujours réinventé

Le calendrier militant écologique en France n’est jamais figé. Il s’ancre autant dans la répétition de dates symboliques que dans l’irruption soudaine des luttes nouvelles : mobilisations contre l’artificialisation des sols, émergence des collectifs de défense des arbres, de la vallée de la Durance aux forêts périurbaines d’Île-de-France. Chaque année, il se recompose, épousant la géographie des résistances et les urgences de l’actualité — fusions d’usines, méga-projets technologiques, tragédies climatiques qui réveillent la colère.

C’est peut-être là, dans sa capacité à conjuguer l’action collective et la spontanéité, que l’agenda militant prend toute sa force. Ce calendrier des luttes, c’est celui qui fait de la route une promesse, du rassemblement une utopie qui frappe concrètement à la porte.

Sources : Le Monde, Franceinfo, Reporterre, Alternatiba, Attac, Via Campesina, La Confédération Paysanne, Terre de Liens, Réseau Semences Paysannes.

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